Les conséquences de la brèche dans la Langue de Barbarie
- felicienpinte2
- 4 mai
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La Langue de Barbarie est une fine digue de sable, située à proximité de Saint-Louis, au Sénégal, et qui protège la côte de l’océan Atlantique. Ce cordon littoral, riche en ressources naturelles et accueillant une grande diversité d’écosystèmes, joue un rôle essentiel dans l’équilibre environnemental de la région. On y trouve notamment le Parc national de la Langue de Barbarie, créé en 1976, réputé pour la variété d’espèces d’oiseaux qu’il abrite.
En 2003, l’État sénégalais, craignant d’importantes inondations dues au débordement du fleuve Sénégal durant la saison des pluies, a créé une brèche dans la Langue de Barbarie. Cette ouverture artificielle, initialement large de 4 mètres, avait pour but de protéger la ville de Saint-Louis, en permettant l’évacuation de l’eau du fleuve vers l’océan. Cependant, du fait de l’érosion et des courants, la brèche s’est progressivement élargie. Elle mesure aujourd’hui plus de 6 kilomètres et continue de s’étendre.
L’extension de la brèche a des conséquences néfastes, tant pour l’environnement que pour les populations locales.
Evolution de la langue de Barbarie entre 2003 (à gauche) et 2024 (à droite)
Les conséquences écologiques dévastatrices
L’élargissement de la brèche provoque des modifications écologiques dans toute la zone concernée et expose les rives, autrefois fluviales, à la houle de l’océan. Les conséquences pour la biodiversité locale sont considérables. L’un des problèmes majeurs est la disparition de nombreux écosystèmes, notamment de plusieurs espèces végétales, emportées par l’eau. En outre, la salinisation du fleuve due à l’extension de la brèche entraîne la fuite de nombreuses espèces de poissons, notamment des mulets, des sardinelles ou encore des langoustes. Par ailleurs, de nombreuses espèces d’oiseaux et de tortues marines n’ont plus d’endroit où pondre, car une grande partie du sable est désormais submergée. “L'îlot aux oiseaux”, principal lieu de reproduction des oiseaux du Parc, pourrait notamment disparaître si l’érosion poursuit son rythme.
Les bouleversements subis par les populations locales
Aux enjeux environnementaux, s’ajoutent des effets néfastes pour les populations locales. Les conséquences sont vastes, affectant le tourisme, l'accès à l'éducation, la vie professionnelle ou encore le logement.
Le quartier de Guet Ndar à Saint-Louis en est un exemple frappant. L’eau a détruit l’école et de nombreuses habitations, privant les enfants d’infrastructure scolaire et les familles de leur logement. L’exode vers de nouvelles terres est devenu une nécessité pour des centaines de familles, contraintes de se déplacer avant que l’océan ne submerge définitivement leurs maisons.
Dans ce contexte, l’élargissement de la brèche a obligé un grand nombre d’habitants à abandonner leur activité professionnelle pour se tourner vers des activités agricoles. L’eau a par exemple emporté plusieurs hôtels, ce qui a eu un impact sur le tourisme et sur l’économie locale. Les pêcheurs sont quant à eux particulièrement affectés par l’ouverture de la brèche, car ils ne peuvent plus débarquer leur poisson sur les plages. Ils sont alors contraints de remonter le fleuve et de débarquer sur de nouveaux quais construits à cet effet. La pérennité de leur activité étant mise en péril, certains doivent alors se reconvertir, passant de « loup de mer » à cultivateur de mangue par exemple. Les femmes de pêcheurs, chargées de la vente du poisson, sont également touchées par ces bouleversements.
Les solutions envisagées pour ralentir l'érosion
La tentative inachevée de construction d’une digue
En 2010, L’État sénégalais et la municipalité de Saint-Louis ont lancé un projet de construction d'une digue de 3,5 kilomètres de long et de 1,96 mètre de haut. L’ouvrage, entamé par l'entreprise française Eiffage, fut toutefois frappé et détruit par la houle en 2018.
La plantation de Mangrove : un rempart naturel contre l'érosion
Face à cette situation, certaines associations locales ont pris l'initiative de planter de la mangrove sur la Langue de Barbarie pour ralentir l'érosion. Les racines de ces arbres jouent en effet un rôle crucial en stabilisant le sol. En plus de cet effet stabilisateur, la mangrove agit comme une barrière naturelle contre les vagues et les tempêtes, réduisant l'impact des phénomènes climatiques violents.
Cependant, cette solution présente des limites puisque les plants mettent plusieurs années à pousser. De plus, en raison du manque de main d'œuvre et de la superficie restreinte de sable, seule une quantité limitée de mangrove est plantée chaque année. Ainsi, ces efforts de replantation ne suffisent malheureusement pas à lutter contre l’érosion à grande échelle.
Léna Knerr
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